FRAGILE ET BEAU

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Il aurait suffi de si peu pour baisser les bras. Il aurait suffi de constater à quel point l’État en faillite abandonne le secteur culturel et baisse encore et toujours plus les subventions qui garantissent nos créations ; il aurait suffi de s’arrêter à ces mots, ces gestes, qui, parfois, sans qu’on ne le veuille jamais, peuvent créer entre nous des tensions malheureuses.

 

On aurait baissé les bras, parce que c’est trop difficile, que ça coûte trop cher et qu’on n’est même pas sûr que ce soit vraiment utile. On a hésité, pour dire les choses franchement. C’est si fragile, un festival.

 

Mais n’est-ce pas justement parce que c’est fragile que c’est si beau ? N’est-ce pas justement parce que l’État abandonne les artistes et brade la culture, notre "culture française" qui a tant alimenté de débats, trop souvent houleux, ces dernières années, qu’il nous faut agir par nous-mêmes pour la faire rayonner ? N’est-ce pas justement parce qu’il nous arrive d’être tout simplement humains, de ne nous pas comprendre, d’être blessants ou blessés peut-être, qu’il nous faut nous dépasser, chercher plus loin pour mieux réaliser à quel point c’est beau plus loin, et merveilleux d’y aller ensemble ?

 

Oui, c’est fragile un festival comme le nôtre. Parce qu’il repose sur une économie limitée, celle des fonds propres de deux compagnies qui investissent, à perte, pour vous proposer une programmation éclectique et exigeante ; parce qu’il est animé, construit, porté par une merveilleuse équipe de bénévoles qui sont des êtres humains comme les autres ; parce qu’enfin il n’existerait pas sans vous, nos spectateurs et nos spectatrices, qui, nous l’espérons, viendrez encore nombreux cette année fêter l’été avec nous.

 

Ainsi nous vous offrons un Voyage en Uruguay avec la Compagnie des Petits Champs, une Fugue à la poursuite de l’acteur-auteur Thibaut Prigent, une Quête Absolue à la recherche de Vincent Van Gogh avec la Compagnie du Sablier ; une parenthèse musicale à la clarinette et à la guitare et les voix de Lucía Pali et Marie Seguin ; une découverte des collages étonnants de Wanda Forever, une plongée dans la préhistoire avec des dessins de l’artiste Erlof Totort. Et si nos enfants disent J’ai vu Maman pleurer ce sera en musique et dans la joie d’un spectacle jeune public par le collectif Le Bruit de l’Entre. Pour un peu de repos, enfin, on s’attablera aux tables-sculptures de Robuste Odin qui parsèmeront le jardin et inviteront à la détente.

 

Oui, c’est fragile un festival comme le nôtre. Et il ne pourrait exister sans cette curiosité qui nous manque tant parfois, cette joie de découvrir et de faire découvrir, cet enthousiasme enfin, qui nous fait sortir de chez nous et embrasser le monde, alors que tout, au contraire, nous poussait à rester chez nous. Voici les acteurs et actrices, chanteuses, musiciens et musiciennes, peintres et sculpteurs ; voici les bénévoles, la dizaine de cerveaux, la vingtaine de bras et de mains qui œuvrons pour que cela existe ; voici Jean-Sébastien et Nicolas, qui nous accueillent au sein de leur merveilleuse abbaye ; nous voici tous et toutes, ensemble, fragiles, mais fiers et heureux de vous ouvrir à nouveau nos portes. Vous constaterez avec nous que c’est bien parce que c’est fragile que c’est si beau.​